L’érosion de la biodiversité est, avec le réchauffement climatique, l’un des grands enjeux écologiques, économiques et sociaux mondiaux.
Pour que les acteurs publics ou privés se rendent compte de leur impact sur la biodiversité et puissent songer à y remédier, encore faudrait-il disposer d’un indicateur permettant de comprendre et de quantifier les effets négatifs de chacun sur l’environnement de manière simple et transparente.
Autrement dit, un langage commun permettant de traduire en chiffres les dommages causés sur la biodiversité par telle centrale à charbon, telle usine de tubes en PVC ou telle collectivité.
Parmi les nombreuses tentatives de quantifier et mesurer la biodiversité ainsi que les dommages qui lui sont infligés, le modèle GLOBIO fait partie des plus aboutis.
Qu’est-ce que le modèle GLOBIO ?
Afin d’évaluer les effets des différents acteurs sur la biodiversité, le modèle GLOBIO étudie la contribution (négative s'entend) des activités économiques aux pressions sur la biodiversité et en déduit les impacts sur la biodiversité.
Il a été créé par un consortium créé en 2003 composé du Centre mondial de surveillance de la conservation de la nature du programme des Nations unies pour l'environnement (WCMC), du programme des Nations unies pour l'environnement GRID-Arendal et de l'Agence néerlandaise d'évaluation environnementale de PBL a entrepris d'étendre et d'améliorer le modèle GLOBIO. Le modèle a été conçu pour calculer l’impact de pressions environnementales sur la biodiversité dans le passé, le présent et le futur.
Son originalité est double:
Le modèle GLOBIO n’utilise pas en entrée uniquement des données sur les espèces pour produire ses résultats. A la place, des données spatiales sur les différentes pressions environnementales sont mobilisées et un impact sur la biodiversité est estimé.
Le modèle calcule l'intégrité de la biodiversité terrestre locale, exprimée par l'indicateur d'abondance moyenne des espèces (MSA mean species abundance), en fonction de six pressions humaines :
l'utilisation des terres, les perturbations routières,
la fragmentation,
la chasse,
les dépôts d'azote atmosphérique et
le changement climatique.
Le cœur du modèle consiste en des relations quantitatives pression-impact qui ont été établies selon des bases de données étendues sur la biodiversité terrestre.
Les résultats des évaluations réalisées avec le GBS (Global Biodiversity Score) sont exprimés dans l’unité MSA.km2, où MSA est l’abondance moyenne des espèces (mean species abundance), une métrique exprimée en caractérisant l’intégrité des écosystèmes.
Les valeurs de MSA vont de 0% à 100%, 100% représentant un écosystème intact non perturbé.
Une label de qualité reconnu
Le système de calcul GLOBIO prend en compte l’intégralité de la chaîne de valeurs, car dans la plupart des cas, les impacts sur la biodiversité sont générés principalement en amont ou en aval de la chaîne de valeurs
viser le consensus
Il s’agit aussi d’un instrument "consensuel", qui se base sur les travaux d’une large palette d’acteurs (communauté scientifique, pouvoirs publics, ONG…), et se veut "complémentaire et compatible avec les indicateurs locaux". C’est donc un outil synthétique et quantitatif utilisable par tous les acteurs économiques et sociaux.
Pourquoi c’est utile ?
L’indicateur GLOBIO permet une analyse globale des pressions exercées sur la biodiversité par un secteur d’activité.
In fine l’objectif est double : “intégrer la biodiversité dans les politiques sectorielles et mobiliser des ressources financières en sa faveur.
Une entreprise peut facilement créer des indicateurs basés sur les résultats de l’évaluation du modèle GLOBIO, par exemple des indicateurs clés de performance (KPI) par rapport auxquels mesurer la performance de l’entreprise.
Un tel indicateur clé de performance pourrait par exemple être l’impact total d’une entreprise sur la biodiversité, et pourrait être associé à un objectif de réduction d’ici 2030.
Mobiliser pour la biodiversité
Rendre la biodiversité compatible avec le monde économique et financier est un enjeu majeur pour la préservation de la biodiversité.
Traités internationaux et politiques publiques
Au niveau international par exemple, lorsque des décideurs mondiaux chinois, allemands ou russes négocient des traités sur la réduction des émissions de CO2 de leur pays respectifs, ils ont besoin d’indicateurs leur permettant des raisonnement et des négociations faciles. Disposer de la même “monnaie d’échange” permet d’aboutir à de meilleurs résultats.
Comment fixer et suivre des objectifs quantifiés pour les pays/secteurs afin de réduire l’érosion de la biodiversité, par exemple par la Convention sur la Diversité Biologique (CDB), les gouvernements nationaux et d’autres acteurs ?
Comment exprimer les tendances du déclin de la biodiversité et comment évaluer la contribution de chaque secteur au niveau national ?
Autant de réponses qui peuvent être apportées par un indicateur tel que GLOBIO pour mieux comprendre les dynamiques actuelles et anticiper les conséquences de divers scénarios de politiques publiques et, ainsi, établir ses recommandations pour atteindre les objectifs fixés par les traités.
Guider l’investissement responsable des entreprises
Quelle est l’empreinte biodiversité d’une institution financière ou d’une entreprise et quelle est l’empreinte induite par sa chaîne de valeur ?
Quelle est l’empreinte de différentes classes d’actifs et d’investissements ?
Comment comparer les investissements en entreprise en termes d’impacts sur la
biodiversité ?
Les interrogations ainsi que la demande du secteur économique et financier pour des investissements dans des activités compatibles avec la biodiversité est croissante. L’impact investment - vocable à la mode certes - va au-delà de l’aspect social. Au sein de ces fonds et autres institutions, l’utilisation d’indicateurs de type GLOBIO est indispensable pour intégrer la lutte pour la biodiversité à un compte de résultat ou un projet qui se doit d’être rentable.
Une meilleure communication
Parler le même langage que ses confrères ou concurrents permet aussi de se mettre en avant de manière plus légitime. Des indicateurs tels que le GLOBIO créent des ordres de grandeur (comme la tonne équivalent CO2 l’est pour les émissions de Gaz à Effet de Serre) auxquels se comparer lorsqu’il s’agit d’effectuer un reporting externe ou de communiquer auprès de ses salariés.
Il en est de même pour les institutions financières dont la notation des actifs en portefeuille est rendue plus légitime et plus lisible par l’utilisation d’un indicateur synthétique.
Conclusion
Si nous considérons que la biodiversité est le socle des services écosystémiques sur lequel repose le fonctionnement du monde actuel, alors la mobilisation du secteur privé et publique en faveur de sa conservation est un enjeu majeur.
Des outils, méthodes et indicateurs tels que développés au sein du modèle Globio sont alors nécessaires pour intégrer activement la biodiversité dans tous les secteurs d’activité et impliquer les entreprises et les institutions financières.
Ce n’est qu’en mesurant les impacts des entreprises et de leurs actifs financiers tout au long de la chaîne de valeur qu’il sera possible de mettre en évidence des leviers d’actions et la contribution des entreprises à l’atteinte d’objectifs réalistes et efficaces en faveur de la biodiversité.
L'équipe Foresteam.
Bonjour, merci pour cet article très intéressant mais j'ai néanmoins une question :
Qui (ou comment) peut on faire cette estimation ? Doit on passer par un tiers dont c'est la spécialité ? ou c'est à la portée de toute entreprise ?
Car si une entreprise fait elle-même l'étude sur son propre impact puis son propre suivi, aura t'elle la crédibilité nécessaire pour mettre en avant ses actions ?
Ou existe t'il des "certifications" ou des audits qui répondent à cette problématique ?